A l’heure des nouvelles technologies où les savoirs semblent de plus en plus parcellisés tout en devenant accessibles au plus grand nombre, y a-t-il  aujourd’hui un intérêt pour le futur dirigeant à se former aux mathématiques ?

 

On pense bien sûr tout de suite à la finance, qui fait un usage intensif des mathématiques, et à la comptabilité, construite sur la base de calculs, qui assurent aujourd’hui comme hier les conditions d’existence des entreprises. Cependant, l’importance des mathématiques pour les firmes va bien au-delà de ces deux exemples.

Lorsque l’on accède à des niveaux de l’entreprise plus macroscopiques et stratégiques, en allant de la gestion des opérations vers l’optimisation de l’organisation industrielle, les mathématiques ne disparaissent pas. Ce sont des outils souvent différents de deux utilisés en finance qui sont alors requis, mais pas toujours : par exemple, le contrôle stochastique admet un très large champ d’application dans le cadre de la gestion.

Les mathématiques contre l’incertitude

Comme l’indique la devise des actuaires anglais: certum ex incertis (le certain tiré de l’incertain), la maitrise des mathématiques peut contribuer (parmi certes d’autres éléments) à réduire l’incertitude à laquelle sont confrontées les entreprises. C’est cette même incertitude qui intéresse les chercheurs en économie et gestion depuis les travaux de Knight et de Keynes et qui est au cœur de l’activité de l’entrepreneur. Après tout, l’entrepreneur n’est-il pas un virtuose qui excelle à évoluer en environnement incertain ? Ainsi, ce n’est peut-être pas un hasard si de nombreux entrepreneurs ont été formés aux mathématiques, même quand bien sûr ils n’en font plus un usage direct.

Gérer les risques

En dehors de la partition usuelle des sciences de gestion, est en train d’apparaitre un nouvel instrument utile pour les dirigeants – l’Enterprise Risk Management (ERM) – qui a été construit par les assureurs mais s’applique à tout type d’activité industrielle ou de service. L’ERM vise à catégoriser l’ensemble des risques stratégiques, financiers et opérationnels qui affectent les entreprises, à quantifier et à qualifier ces risques, puis à en permettre la gestion. Il s’agit d’un remarquable exemple où mathématiques et management sont intriqués de manière extrêmement fine. On notera aussi au passage qu’entrepreneuriat et gestion des risques sont les deux faces d’une même médaille, qui est celle du succès de l’organisation.

Exploiter les données

Un pan entier de l’activité de nos sociétés relève aujourd’hui du Big Data. Ce concept n’est pas étranger à une forme traditionnelle du marketing visant à tirer des lois à partir de larges bases de données. Ce qui a changé aujourd’hui c’est la taille des bases de données et le nombre important d’applications qui en sont faites. Il serait illusoire de vouloir gérer la complexité, et notamment la complexité produite par le Big Data, en se passant de toute forme de mathématisation.

En fait, et comme les exemples traités plus haut l’esquissent, le concept clef est celui de formalisation. Ainsi et par exemple, il est plus pertinent de distinguer entre finance formalisée et finance non formalisée qu’entre finance de marché et finance d’entreprise.  Pouvoir formaliser un problème (au sens large) et définir le champ de ses hypothèses est une condition importante avant d’espérer pouvoir le résoudre et auditer ses résultats.

Olivier Le Courtois

Professeur de finance et d’assurance, je dirige le CEntre d’Analyse des Risques Financiers (CEFRA). Les thèmes sur lesquels j’ai développé mon expertise sont l’évaluation de produits dérivés, la structure capitalistique de l’entreprise, l’évaluation de produits dérivés, la gestion de portefeuille et gestion des risques, l’évaluation de contrats d’assurance-vie et les garanties des dépôts bancaires.
Le CEFRA tente de stimuler les échanges entre les divers secteurs de l’entreprise des risques. Il a l’ambition de combler le fossé entre les différents domaines de l’industrie des risques et donc à favoriser le développement de convergences et nouveaux sous-domaines de recherche dans les domaines des finances, de gestion des risques et d’assurance.

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Pour approfondir…

  • Cet article a également été publié dans la revue Grand Angle :
    Le courtois, O. 2015. Mathématiques et Management : Y a-t-il aujourd’hui un intérêt pour le futur dirigeant à se former aux mathématiques ?. Grand Angle, La Lettre d’information de la Conférence des Grandes Ecoles, n°63, Juin 2015.
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