Le rôle de la voix dans des négociations « difficiles » est encore largement sous-estimé. Les managers auraient notamment beaucoup à apprendre des techniques policières de négociation mises en œuvre dans les situations extrêmes – par exemple lors de prises d’otages –, d’après une étude conduite par Christophe Haag, professeur associé en comportement organisationnel à EMLYON Business School.

 

Christophe Haag a interviewé Christophe Caupenne – ancien chef des négociateurs du RAID (Recherche, Assistance, Intervention et Dissuasion) et consultant auprès de négociateurs professionnels. Le travail de Christophe Caupenne consistait à raisonner les fanatiques, les terroristes et les preneurs d’otages.

Ses collègues le surnommaient « la Voix ». Le Dr. Christophe Haag et le médecin phoniatre Elizabeth Fresnel ont effectué, au laboratoire de la voix à Paris, différents tests phoniatriques sur Christophe Caupenne afin de déterminer les caractéristiques de sa voix.

Les deux chercheurs en on retiré cinq conseils pour bien s’en sortir lors de négociations complexes :

#1 Ne parlez pas comme Alvin le chipmunk. Un négociateur qui parle d’une voix aiguë peut paraître moins efficace et moins respecté en termes de pouvoir, de charisme, d’autorité, de confiance et de compétence. La voix du négociateur ne doit pas saper sa crédibilité, en particulier dans les négociations difficiles. Le témoignage de Christophe Caupenne démontre l’importance qu’il accorde à la sonorité de la voix d’un négociateur : « Il y a quelques années, j’ai rejeté un candidat qui postulait pour un emploi au RAID. Son seul handicap était sa voix. Il avait la voix aigüe d’un chipmunk, le personnage du film pour enfants,  une voix qui aurait pu irriter n’importe quel criminel! » Si votre voix est haut perchée, parlez alors plus lentement, en réduisant votre débit de parole et doucement, en diminuant le volume.

#2 Imiter certaines caractéristiques de la voix de votre interlocuteur. Bordelais d’origine, il est arrivé à Christophe Caupenne de «ressortir» son accent pour créer un lien avec des criminels bordelais. Imiter subtilement le ton de voix, l’intensité et/ou le débit de parole de l’autre permet d’entrer plus facilement en empathie avec son interlocuteur et ainsi, de favoriser les confessions et de renforcer le sentiment de compassion. Dans une négociation professionnelle, cela a pour effet de faciliter le dialogue, d’apaiser une éventuelle nervosité et de multiplier les chances de parvenir à un consensus.

#3 Pratiquez la respiration abdominale. Pour apprendre à le faire instinctivement, placez une bougie allumée à 10 cm de votre bouche, inspirez doucement par le nez et gonflez votre ventre. Expirez ensuite lentement en orientant l’air vers la flamme, sans l’éteindre, jusqu’à ce que votre ventre retrouve son volume normal. La pratique régulière de cet exercice vous permettra d’améliorer votre respiration, ce qui vous donnera plus d’énergie dans vos négociations.

#4 Échauffez votre voix avant les négociations. La bouche fermée, faites des « « hommmmmmm » tenus à la façon d’un moine bouddhiste. Il est important de parcourir votre voix de l’aigu vers le grave et pas l’inverse. Ensuite, bouche légèrement ouverte, faites quelques petites vocalisations sur une voyelle, le « é » par exemple, une voyelle étroite qui favorise la montée du voile du palais. Puis enchainez avec le « a ». Enfin, imaginez que vous êtes un professeur gym et projetez votre voix en comptant « et un, et deux, et trois… ».

#5 Projetez votre voix. Dix minutes par jour, lisez un texte à haute voix en enlevant toutes les consonnes. Par exemple, la phrase « la voix est un second visage » devient « a-oi-é-un-e-on-i-a ». Cet exercice vous fait prendre conscience de l’importance des consonnes, qui font ressortir les voyelles et leur donnent plus d’impact. Lisez ensuite le même texte en insistant sur les consonnes, la bouche grande ouverte. Votre voix résonnera davantage et votre interlocuteur vous comprendra mieux.

Selon Christophe Haag « il faut en premier lieu écouter attentivement la voix de votre interlocuteur. Votre cerveau intuitif se forge alors rapidement, grâce à tout un tas d’indices acoustiques (ex. d’infimes modulations de la voix, des variations de vibrato, des balbutiements, des trémolos, des souffles courts) une première impression de la personnalité, des intentions et de la performance professionnelle de l’orateur… Cette première impression est, selon des travaux en neurosciences, souvent la bonne.»

Christophe Haag

Je suis professeur en comportement organisationnel, une branche de la psychologie sociale. Le champ qui m’intéresse est le cerveau humain et tout particulièrement l’utilisation « intelligente » de nos émotions et de notre intuition dans la vie de tous les jours. Ma motivation première, en tant que chercheur est d’essayer de décrypter le Da Vinci Code de notre sixième sens. Je travaille pour cela avec des populations atypiques comme des artistes (écrivains, réalisateurs de cinéma, comédiens), des anciens membres du RAID ou des gradés de l’Armée, des neuroscientifiques, des neuropsychiatres, des phoniatres, des chefs d’entreprises du CAC 40 et de PME, des journalistes TV et radio. Mon objectif est de rendre les découvertes scientifiques accessibles au plus grand nombre.

Plus d’informations sur Christophe Haag :
Son CV en ligne
Son blog
Son profil ResearchGate


Pour approfondir…

  • Haag, C. & Fresnel, E. (2015). Implementing Voice Strategies in Extreme Negotiations: Vox_ConfidentialA Conversation With Christophe Caupenne, Successful Former Commando of the French RAID Unit. Organization Management Journal, 12 (1): 4–12.
    Voir le résumé de l’article
  • Haag, C. (2013). Vox Confidential, une enquête inédite sur la voix humaine. Michel Lafon.