Dans le cadre de leurs travaux de recherche, Fabienne Autier et Sanjy Ramboatiana se sont penchés sur la crise de milieu de vie qui touche la plupart d’entre nous, que ce soit dans notre vie personnelle ou professionnelle. Leur ouvrage Quadras, quinquas, crise de motivation au travail ? (Gereso 2016) se centre sur la vie professionnelle et propose une méthode en quatre étapes pour ne plus subir cette phase de doutes mais, au contraire, en tirer parti et s’engager dans une dernière partie de vie professionnelle accomplie et contributrice. Or, si cette démarche est individuelle, l’organisation a tout intérêt à la reconnaître et à l’accompagner.

 

La crise de milieu de vie, un phénomène universel

La vie professionnelle n’est pas linéaire mais marquée par une succession de quatre grandes phases du début de carrière à l’âge de la retraite. La crise du milieu de vie survient selon les individus entre la fin de la trentaine et le début de la cinquantaine. Elle se définit comme une phase de transition normale, expérimentée par la majorité d’entre nous, alors que nous réévaluons la place du travail dans notre vie et notre place dans le monde (Levinson 1978). Une étude conduite en 2008 auprès d’un échantillon de deux millions de personnes dans 80 pays montre ainsi que la dépression et le sentiment de ne pas être heureux atteignent spécifiquement les individus au milieu de leur vie, quels que soient le niveau de revenu et le pays d’origine (Oswald & Blanchflower 2008). Du point de vue professionnel, cette crise inaugure de nouvelles questions vis-à-vis du travail : sa place, son sens, son utilité. Elle introduit une phase de démotivation au travail que nous devons nécessairement dépasser pour trouver de nouvelles opportunités d’accomplissement… jusqu’à l’âge de la retraite.

Les quatre étapes de la méthode RGNR

La crise du milieu de vie représente un enjeu fort tant pour les individus que les organisations. À partir d’une étude expérimentale menée pendant plusieurs années auprès d’une cinquantaine de participants dans des groupes de retour d’expérience et d’entraide professionnelle, les auteurs ont élaboré une méthode destinée à accompagner cette étape délicate de la vie au travail. Cette approche se décline en quatre phases :

  1. Reconnaître la crise
  2. Gérer ses effets
  3. Nommer ses propres limites et talents
  4. Rechercher le sens de cette crise et ce qu’elle nous apprend

À chaque étape sont associées des actions concrètes et des outils expérimentés au préalable avec les participants aux groupes de retour d’expérience.

Et l’organisation, peut-elle agir ?

La crise de milieu de vie professionnelle se caractérise par sa nature éminemment personnelle et intérieure. Elle ne peut donc être gérée que par l’individu qui la vit. Pour autant, les auteurs soulignent le rôle moteur que peut jouer la Direction des Ressources Humaines en mettant en place les conditions favorables à un ré-investissement de ces salariés. Comment ? L’important est avant tout de reconnaître explicitement la crise de milieu de vie, non pas comme un aveu de faiblesse de l’individu mais comme une transition normale dans la carrière de tout un chacun. L’organisation peut proposer un accompagnement – formation, bilan ou coaching – aux collaborateurs qui le souhaitent. Elle doit également former ses managers et son équipe RH à la prise en compte de la dynamique de l’âge à l’œuvre dans le rapport au travail et à la performance. Dans cette approche, il est essentiel de traiter les « seniors » de la même façon que les autres salariés en termes d’opportunités de mobilité et de formation. L’entreprise peut aussi s’efforcer d’être davantage à l’écoute des propositions d’innovation avancées par les seniors et ne pas hésiter à les mettre en œuvre si elles sont porteuses de valeur ajoutée. Enfin, permettre – et valoriser – des actions de transmission du savoir ou de mentorat des individus en dernière partie de vie professionnelle vers les plus jeunes.

Dans le contexte actuel d’allongement de la vie professionnelle dans les pays occidentaux, les organisations ont tout intérêt à reconnaître cet enjeu et chercher à mobiliser au mieux l’expérience et les compétences clés de ses collaborateurs seniors. L’ouvrage montre en mobilisant des cas réels que ces populations sont aptes à contribuer autant, parfois mieux que les autres, à la performance de l’entreprise. Et si le nouveau gisement d’innovation des organisations occidentales était ici ?

Fabienne Autier, emlyon business school

Fabienne Autier

Doyenne de la faculté d’emlyon business school, je suis également professeur chercheur en gestion des ressources humaines et organisation. J’étudie notamment les stratégies de GRH des firmes : leur diversité, leur dynamique mais aussi leurs impacts. Par ailleurs, je conduis pour le territoire français, l’enquête internationale CRANET dont les derniers résultats ont été publiés en juin 2015.

Depuis 2010, j’ai initié un projet de recherche sur la question du travail qui est en profonde transformation depuis la première révolution industrielle : sa nature, ses conditions d’exercice mais aussi ses enjeux : pourquoi travaillons-nous ? L’objectif est de produire une compréhension renouvelée des enjeux du travail dans la vie de chacun d’entre nous, de mieux appréhender sa dynamique : nous n’avons pas le même rapport au travail à 25 ou à 55 ans ; et sa fonction : travaillons-nous dans une seule fin de rétribution économique ? Ce projet nourrit des expérimentations visant à équiper chacun à devenir « acteur » de sa vie au travail.

Plus d’informations sur Fabienne Autier :
Son CV en ligne
Son profil Viadeo
Son profil ResearchGate


Pour approfondir…

F. Autier, quadras, quinquas, crise de motivation au travail

 

Autier, F., Ramboatiana, S. (2016). Quadras, quinquas, crise de motivation au travail ? Rien d’anormal ! Méthode pour se (re) motiver en 2e partie de vie professionnelle. Gereso, 139p.

 

Autier, Travailler pour quoi faire

 

Autier, F., Ramboatiana, S. (2016). Travailler, pour quoi faire ? : Traité de réussite professionnelle à l’usage de tous, 2è ed. Gereso, 155p.