Dans leur étude, prochainement publiée dans le Journal of Business Ethics, Tawhid Chtioui et ses co-auteurs évaluent la relation entre la nomination de femmes aux postes de Directeur Général ou de présidente et les performances de l’entreprise. Ils mettent également en lumière les divergences entre le cas des entreprises familiales et les autres.

 

Moins de 5% de femmes DG ou Présidente

Depuis la publication de l’analyse conduite par Mckinsey & Co démontrant que les sociétés dotées de la plus forte proportion de femmes leaders offraient le meilleur rendement à leurs actionnaires, il va de soi que l’équilibre entre hommes et femmes aux fonctions dirigeantes est capital.

Pourtant, en dépit de la législation, des quotas, du recrutement sélectif et de tout un éventail d’autres initiatives, le leadership d’entreprise reste nettement dominé par les hommes. Une récente étude menée aux États-Unis établit que seules 5 % des sociétés classés dans le top 1000 du magazine Fortune ont un PDG femme. De même, en Australie, 3 % seulement des sociétés cotées ont nommé une femme à la tête de leur conseil d’administration. En Europe, le constat est tout aussi affligeant, avec seulement 3,3 % des sociétés employant une femme à ces fonctions dirigeantes.

Si un grand nombre de sociétés peinent encore à relever le défi de l’équilibre entre genres dans les centres de pouvoir, il semble que les entreprises familiales aient progressé dans ce domaine, avec proportionnellement plus de femmes leaders que leurs homologues non-familiales. Leur expérience confirme-t-elle les résultats avancés par McKinsey & Co ?

Une femme à la Présidence ou à la Direction Générale : faire le bon choix !

Afin de vérifier ces données, nous avons étudié les performances de 394 sociétés françaises – plus de 70 % des entreprises y sont familiales – sur une période de dix ans. Nous sommes arrivés à la même conclusion que McKinsey mais en y apportant des nuances. Nous avons observé que le fait de nommer des femmes à la présidence du conseil d’administration était plus intéressant pour les entreprises familiales que pour les entreprises non-familiales. C’est sans doute parce que les femmes présidentes dans les entreprises familiales sont plus susceptibles d’user d’un style de « leadership transformationnel », c’est à dire plus adapté aux besoins et aux caractéristiques spécifiques de ces types d’entreprises.

Inversement, nous avons observé que les femmes DG affichaient de meilleures performances dans les entreprises non-familiales. Ce résultat réfute le préjugé selon lequel les rôles nécessitant un leadership « transactionnel », généralement associé à un style de management plus directif et axé sur la dimension opérationnelle, sont mieux tenus par les hommes.

Que faut-il en conclure concernant la relation entre la nomination d’une femme à une fonction de leadership et la performance des entreprises ? La recherche montre clairement que les entreprises familiales devraient sérieusement envisager les candidatures féminines lors de la nomination d’un président. Les entreprises non-familiales quant à elles ont tout intérêt à réfléchir attentivement aux atouts qu’une femme peut apporter à la fonction de DG.

Quel que soit le point de vue adopté, il est évident que les entreprises, aussi bien familiales que non-familiales, tireraient bénéfice d’un leadership plus féminin dans les sphères dirigeantes de l’entreprise. Il est encore temps d’agir.

Tawhid Chtioui, emlyon business school

Tawhid Chtioui

Professeur et Dean d’emlyon business school Afrique, mes recherches portent essentiellement sur des problématiques de management de la performance, notamment le contrôle de gestion et les changements organisationnels, l’efficacité des contrôles « doux », la gouvernance et la performance organisationnelle. Je travaille actuellement principalement sur le contexte et les problématiques spécifiquement africaines. J’ai occupé des fonctions scientifiques et dirigeantes dans différentes écoles de commerce en France et enseigné dans de nombreuses écoles et universités en France et à l’international. Je suis également un « serial entrepreneur », et j’ai mené des activités de consulting et formation professionnelle.

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Pour approfondir…

  • Nekhili, M., Chakroun, H., Chtioui, T. (2016). Women’s Leadership and Firm Performance: Family Versus Nonfamily Firms. Journal of Business Ethics, forthcoming. DOI: 10.1007/s10551-016-3340-2.
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