Le contexte dans lequel les managers et les dirigeants évoluent aujourd’hui est de plus en plus complexe. Il est marqué par des rythmes serrés, des zones d’incertitudes de plus en plus larges, des tensions sociales vives, et un devoir d’exemplarité de tous les instants, ce qui rend le quotidien plus difficile qu’auparavant.

 

Ainsi leur faut-il maîtriser des compétences « autres » que celles apprises traditionnellement sur les bancs d’écoles. Parmi elles, « l’intelligence émotionnelle » (IE, le quotient émotionnel représente sa mesure métrique).

L’intelligence émotionnelle, un pouvoir extraordinaire

L’IE est une forme d’intelligence que des centaines de chercheurs à travers le monde étudient sérieusement et essaient d’évaluer métriquement depuis la fin des années 80. Différents modèles d’IE sont apparus au fil du temps, certains plus fiables scientifiquement que d’autres (notamment celui des deux psychologues nord-américains Peter Salovey et John D. Mayer, pères conceptuels de l’IE).

Malgré leurs différences, tous ces modèles semblent converger vers un constat : l’IE aurait un impact positif sur plusieurs facteurs tels que la santé, la performance au travail, et le bien-être d’un individu. Même s’il ne s’agit pas d’en faire le seul facteur explicatif du succès d’un individu, il semblerait qu’il y contribue en (grande) partie et cela s’applique aussi aux managers et dirigeants d’entreprise.

Ainsi définissons-nous aujourd’hui l’intelligence émotionnelle du manager comme une forme d’intelligence qui suppose la capacité à diagnostiquer son propre état émotionnel ainsi que celui d’autrui et la capacité à mettre en place une tactique émotionnelle afin de favoriser l’épanouissement personnel et collectif et la performance managériale.

Il apparaît que les managers doués de cette intelligence sont dotés d’un pouvoir extraordinaire qui leur permet d’exceller dans leur métier, tout en conservant une équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Ces dernières années, de nombreuses études scientifiques ont révélé qu’un manager au quotient émotionnel élevé a plus confiance en lui, prend de meilleures décisions, est en meilleure santé psychique et physique (il gère mieux son stress et ses angoisses et est moins sujet au burn-out), se laisse moins déborder au travail, génère autour de lui/elle des relations sociales de meilleure qualité, est conscient des conséquences futures de ses actes, a une vie de couple plus harmonieuse, est moins dépendant à l’alcool, etc.

Une capacité mentale à développer

Les managers et dirigeants ont ainsi tout intérêt à développer cette capacité mentale, trop longtemps reléguée sur le banc de touche par notre système éducatif et professionnel. Car oui, passé un certain âge, il est possible de la développer, contrairement au quotient intellectuel (QI).

En effet, des chercheurs français et belges ont découvert que le cerveau émotionnel (et notamment certaines structures cérébrales mises en jeu dans la régulation émotionnelle) est élastique, malléable (on parle de plasticité cérébrale ou neurogenèse) et que l’on pouvait, sous certaines conditions, muscler son IE.

Ainsi vous suggérerai-je, comme l’ont fait Tristan Farabet, Virginie Adnet, Thierry Boiron, Catherine Noailly, Pierre Kosciusko-Morizet et d’autres dirigeants ou managers d’entreprise, de commencer par passer un test de QE fiable pour ensuite pouvoir agir, en identifiant notamment les dimensions de l’intelligence émotionnelle qu’il vous faut travailler.

À développer son intelligence émotionnelle, le dirigeant gagne à se reconnecter à lui-même et aux autres, et in fine, à endosser plus élégamment son rôle dans l’entreprise.

NB : notez que notre étude (menée sur une population de 1 035 managers : 500 femmes et 535 hommes) montre que les femmes ont des scores de QE significativement plus élevés que les hommes.


Cet article est publié dans le cadre de l’audio-MOOC « Le manager émotionnellement intelligent« , proposé par Christophe Haag et disponible gratuitement tout l’été.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation le 27 juillet 2017.

Christophe Haag, emlyon business school

Christophe Haag

Je suis professeur en comportement organisationnel, une branche de la psychologie sociale. Le champ qui m’intéresse est le cerveau humain et tout particulièrement l’utilisation « intelligente » de nos émotions et de notre intuition dans la vie de tous les jours. Ma motivation première, en tant que chercheur est d’essayer de décrypter le Da Vinci Code de notre sixième sens. Je travaille pour cela avec des populations atypiques comme des artistes (écrivains, réalisateurs de cinéma, comédiens), des anciens membres du RAID ou des gradés de l’Armée, des neuroscientifiques, des neuropsychiatres, des phoniatres, des chefs d’entreprises du CAC 40 et de PME, des journalistes TV et radio. Mon objectif est de rendre les découvertes scientifiques accessibles au plus grand nombre.

Plus d’informations sur Christophe Haag :
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Pour approfondir…

Christophe Haag a publié plusieurs ouvrages :

Christophe Haag, Génération Q.E.

 

Haag, C., Seguela, J. (2009). Génération Q.E. Pearson, 240 p. ISBN 978-2744063596.
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Christophe Haag, La Poulpe Attitude

 

Haag, C. (2011). La poulpe attitude. Michel Lafon, 278 p. ISBN 978-2749914923.
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Christophe Haag, Vox Confidential

 

Haag, C. (2013). Vox confidential. Michel Lafon, 215 p. ISBN 978-2749920757.
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Contre nos peurs - C. Haag
Séguéla, J., Haag, C. (2017). Contre nos peurs, changeons d’intelligence! Albin Michel, 240 p. ISBN 978-2226391902.
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Il est également l’auteur de nombreux articles académiques :

  • Sala, G., Haag, C. (2016) Comment vaincre l’anxiété en situation extrême ? Les secrets de la Force Intervention du GIGN, unité d’élite de la gendarmerie nationale. Revue Française de Gestion, Forthcoming.
  • Sinaceur, M., Kopelman, S., Vasiljevic, D., Haag, C. (2015) Weep and get more : When and why sadness expression is effective in negotiations. Journal of Applied Psychology, 100 (6), 1847-1871. DOI org/10.1037/a0038783.
    Lire le résumé
  • Haag, C., Fresnel, E. (2015) Implementing Voice Strategies in Extreme Negotiations: A conversation with Christophe Caupenne, successful former commando of the French RAID unit. Organization Management Journal, 12 (1), 4-12 P. DOI 10.1080/15416518.2014.974731.
    Lire le résumé
  • Coget, J.F., Haag, C., Gibson D.E. (2011) Anger and fear in decision-making: The case of film directors on set. European Management Journal, 29 (6), 476-490. DOI org/10.1016/j.emj.2011.06.003.
    Lire le résumé
  • Sinaceur, M., Van Kleef, G.A., Neale, M.A., Adam, H., Haag, C. (2011) Hot or cold: Is communicating anger or threats more effective in negotiation? Journal of Applied Psychology, 96 (5), 1018-1032. DOI org/10.1037/a0023896.
    Lire le résumé
  • Haag, C., Coget, J.F., Melkonian, T. (2011) Top-level communication: behind the scenes with famous French spin doctor Jacques Seguela. Organization Management Journal, 8 (3), 167-179. DOI 10.1057/omj.2011.28.
    Lire le résumé
  • Haag, C., Coget, J.F. (2010) Leading creative people: Lessons from advertising guru Jacques Séguéla. European Management Journal, 28 (4), 278-284. DOI org/10.1016/j.emj.2010.05.007.
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  • Sinaceur, M., Thomas-Hunt, M., Neale, M.A., O’Neill, O.A., Haag, C. (2010) Accuracy and perceived expert status in group decisions: When minority members make majority members more accurate privately. Personality and Social Psychology Bulletin, 36 (3), 423-437. DOI
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  • Haag, C., Laroche, H. (2009) Dans le secret des comités de direction, le rôle des émotions : proposition d’un modèle théorique. M@n@gement, 12 (2), 82-117. DOI 10.1177/0146167209353349.
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  • Coget, J.F., Haag, C., Bonnefous, A.M. (2009) Le rôle de l’émotion dans la prise de décision intuitive : zoom sur les réalisateurs-décideurs en période de tournage. M@n@gement, 12 (2), 118-141. DOI
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