Zweig disait que savoir s’épanouir est la clé afin d’être à même de « saisir en soi le monde entier ». S’épanouir au travail c’est devenir qui on est vraiment, savoir se relier à l’autre, qu’il soit collègue, collaborateur ou client et accomplir sa vocation. Un des résultats est une meilleure réussite de ses projets. La question que l’on se pose souvent, pour soi ou les membres de son équipe, c’est : comment procéder concrètement ?

 

Votre épanouissement dépend de vous

Si vous voulez qu’une belle plante grandisse, vous ne tirez pas sur elle. Vous lui donnez un bon terreau, l’arrosez, faites en sorte qu’elle ait de la lumière. En un mot vous prenez soin d’elle. Elle saura alors s’épanouir par elle-même. Nous n’avons pas besoin de changer pour nous épanouir. Nous devons apprendre à nous approfondir. Si nous mettons en place le bon contexte, nous nous verrons alors fleurir naturellement.

Ainsi votre épanouissement dépend d’abord de vous-même. Ensuite le manager joue un rôle important auprès de son équipe. Si vous n’êtes pas en dépression, vous n’avez pas besoin d’un thérapeute. Si vous n’êtes pas sur un chemin spirituel, vous n’avez pas besoin d’un gourou. Quant aux conseils d’experts, ils ne sont pas toujours adaptés à votre cas. Si vous voulez vous épanouir, il vaut mieux savoir écouter votre voix intérieure. Les recherches en psychologie positive ainsi que les méthodes du coaching permettent de construire une démarche structurée qui laisse place à l’écoute de son intuition [1]. Vous pouvez vous faire aider d’un coach, mais ce sera temporaire car le but pour vous sera d’apprendre à devenir votre propre coach. Souvent vous êtes déjà prêt et avez simplement besoin de connaître et de mettre en œuvre une démarche adaptée. Si vous êtes manager, vous pouvez aussi appliquer cette démarche à votre équipe.

L’optimisme ce n’est pas voir la vie en rose

L’épanouissement se joue en trois étapes. D’abord il convient de repérer les qualités qui permettent d’épanouir qui on est. Les plus importantes sont la présence consciente et l’optimisme.  On peut apprendre à les activer et à les développer. La présence consciente consiste à créer des espaces et des temps de ressourcement. Ils sont un antidote à l’hyperactivité qui va souvent de pair avec l’hyperconnexion et le perfectionnisme. Pour soi-même, une piste est la méditation de pleine conscience qui enseigne à passer plus souvent du mode faire au mode être. En tant que manager, on gagne à créer des moments d’inclusion et d’échanges ritualisés. Par exemple la réunion du lundi matin où chacun prend un moment pour partager avec les autres comment il se sent.

L’optimisme ce n’est pas voir la vie en rose mais repérer, lorsque quelque chose réussit, les ressources que l’on a mises en œuvre et qui ont permis ce succès. Vous venez de gagner un contrat, de terminer un projet délicat en respectant les délais. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce happy end ?  Votre ténacité, votre professionnalisme, votre résistance au stress ? Faites en sorte que ces compétences soient mises en avant lorsque vous célébrez un bon résultat. Si vous êtes manager, complimentez les personnes sur leur travail et leurs talents spécifiques en action. La mise en évidence claire de relations de cause à effet entre ce que l’on a fait et ce qui arrive est la meilleure manière d’éviter les sentiments d’impuissance et de donner à chacun l’envie de continuer à agir.

Les bénéfices de l’empathie

Une fois que l’activation de nos qualités nous a permis de mieux nous révéler, la deuxième étape consiste à construire un lien épanouissant avec les autres. Celui-ci se joue d’abord dans le contact physique qui a le pouvoir de rapprocher les personnes. Serrer une main, toucher l’avant-bras peuvent être de véritables actes de confiance. Ensuite il convient de développer un style de relation à l’autre où l’on ressent et produit un sentiment de sécurité. Cela implique de bien comprendre le jeu social de la réciprocité, que l’on appelle aussi le donnant-donnant, puis de savoir aller au-delà. Un lien positif se fonde notamment sur l’empathie qui est la capacité à savoir se mettre à la place de l’autre. Lorsque nous annonçons de mauvaises nouvelles, par exemple un refus de promotion, la tendance naturelle est de nous mettre à distance parce que la situation désagréable nous amène à nous centrer sur nous. Un bon niveau d’empathie aide à mieux être conscient de ce que ressent l’autre, de le considérer comme un véritable interlocuteur et donc d’avoir un échange sincère avec lui. Lorsque nous parvenons ainsi à bien nourrir la relation à l’autre, cela augmente notre épanouissement. Car si selon Sartre « l’enfer c’est les autres », les recherches montrent qu’ils sont aussi le paradis.

La dernière étape d’une démarche d’épanouissement concerne la vision, c’est-à-dire l’ensemble des buts principaux qui dirigent notre action. Un défi en entreprise est d’aligner au mieux les visions de chacun avec la vision de l’équipe, celle du département et celle de l’entreprise. Une vision personnelle est source d’engagement fort et durable si elle permet d’utiliser ses forces personnelles, par exemple la créativité ou le leadership. Cela revient à rendre possible la réalisation de sa vocation. Les activités qui constituent notre fiche de poste devraient être définies en lien avec ces forces. Lorsqu’une vision ne nous porte plus c’est que nous avons évolué et qu’il est temps d’en changer pour la remettre à jour. Il ne s’agit plus alors, pendant un temps, d’exploiter ses talents de la façon habituelle, mais d’être en exploration. Si on accepte de relâcher momentanément notre besoin de contrôle et de performance, nous verrons une nouvelle vision émerger qui nous permettra de nous relancer dans un cycle où nous trouverons de nouvelles manières d’utiliser nos forces.

L’épanouissement est une destination. C’est aussi un voyage, notre voyage. Personne ne le fera à notre place. C’est sans doute le plus beau : il commence à l’intérieur, se déploie ensuite à l’extérieur en coopération avec les autres et nous entraîne à réaliser nos buts profonds. Afin que cette dynamique s’enclenche, nul besoin de sacrifice de soi ou de ses proches, de management autoritaire ou de carottes matérielles. A la manière d’un jardinier, il nous suffit d’utiliser la bonne démarche pour mettre en place le contexte adapté. Et si vous êtes manager, votre rôle ne se limite pas à œuvrer pour votre propre épanouissement. Il s’étend également à favoriser celui de vos collaborateurs. Cette nouvelle forme de management s’avère moins aisée qu’un style traditionnellement directif, mais bien plus épanouissante.


[1] Nadisic, T. (2018). S’épanouir sans gourou ni expert : le meilleur coach, c’est vous ! Eyrolles, 192 p. ISBN : 978-2-212-56853-0.

Thierry Nadisic, emlyon business school

Thierry Nadisic

Docteur en comportement organisationnel, je suis également agrégé en économie et gestion. Manager expérimenté, je suis coach certifié et formateur en leadership et management des équipes, conduite du changement et engagement des salariés. Mes recherches ont pour thèmes principaux le sentiment du juste, les émotions et le bien-être au travail. Je suis depuis 2015 le conseiller scientifique du magazine « Psychologie Positive ». J’écris régulièrement des chroniques sur le management contemporain.

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Pour approfondir…

Thierry Nadisic - S'épanouir sans gourou ni expert

 

Nadisic, T. (2018). S’épanouir sans gourou ni expert : le meilleur coach, c’est vous ! Eyrolles, 192 p. ISBN : 978-2-212-56853-0.
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Podcast Thierry Nadisic, mai 2018 :