Décider de racheter une entreprise dans un parcours de vie personnel et professionnel représente un choix stratégique pour soi, mais aussi pour sa famille et son entourage. C’est un acte à fort impact sur la dynamique de vie de chacun de ces acteurs.

Devenir entrepreneur génère des changements importants dans la vie du futur chef d’entreprise et par conséquent dans celle de son entourage proche. Il ne s’agit pas d’un simple changement d’activité, de contexte, d’environnement. Il s’agit d’une réorientation de vie et d’une prise de risque sur un plan professionnel, social et économique. Reprendre une entreprise c’est d’abord pouvoir se consacrer à une aventure qui peut être longue, avec des étapes, des obstacles et des arbitrages dans la durée : entre 6 mois et 24 mois, voire plus.

Il est donc important de se poser deux questions : « Est-ce le bon projet pour moi ? Quelle est mon ambition, mon but, mon envie pour les 3, 5 à 7 ou 10 ans qui viennent ? »

Racheter une entreprise est une décision qui peut avoir des répercussions sur la famille et l’entourage du repreneur.
Kaspars Grinvalds/Shutterstock

Le projet de reprise sera sans doute vécu de manière très différente en fonction de l’âge, du parcours, et des raisons qui amènent la personne à se poser cette question. Quoi qu’il en soit, nous insistons sur le fait que prendre le temps de s’interroger sur le sens de cette démarche est un moment essentiel.

Qu’est-ce qui m’anime ?

Plusieurs questions clefs sont donc à étudier pour bien clarifier le projet :

  • Pourquoi… Une reprise ?
  • Dans quel but ? Avec quelle finalité ?
  • À quoi est-ce que j’ai envie de contribuer ?
  • Qu’est-ce qui est vraiment important pour moi ?
  • Qu’est-ce que je cherche à réaliser ?
  • Une reprise pour quoi faire ?
  • Une reprise pour qui ?
  • Quelle est mon ambition ?
  • Quelle vie ai-je envie d’avoir ?
  • Qu’est-ce qui m’anime ?
  • Quels efforts suis-je prêt à faire ?
  • Qu’est-ce qui est non négociable pour moi et ma famille ?
  • Qu’est-ce qui me fera le plus plaisir si j’atteins cet objectif ?
  • De quoi serai- je le plus fier ?
  • Qu’est-ce que je pense pouvoir apporter à cette future entreprise ?
  • Quelle est selon moi ma vraie valeur ajoutée ?

Toutes ces questions sont là pour amener le futur repreneur à être plus lucide sur lui-même et sur son projet. Car la nature des réponses est un guide pour mieux positionner le véritable contenu du projet. Les ambitions peuvent être très différentes d’une personne à l’autre, et la mauvaise appréciation de ces caractéristiques dans les aspirations peut avoir des conséquences graves. Se tromper sur ses attentes peut amener le futur repreneur à s’engager dans une voie incohérente, difficile, voire insurmontable, vouée à l’échec.

Les motivations de reprise peuvent être très différentes d’une personne à l’autre.
Dmytro Zinkevych/Shutterstock

Il existe en effet différents types d’ambitions et d’aspirations liées à la reprise d’une entreprise, en voici quelques-unes :

  • Créer de la valeur sociétale, créer de l’emploi/développer les compétences des collaborateurs,
  • Assurer la pérennité de l’entreprise par le maintien d’une forte notoriété
  • Réaliser une pure opération financière, avec une orientation « plus- value à court terme »
  • Se lancer dans une aventure technologique innovante, pas assez reconnue
  • Développer la croissance externe de l’entreprise déjà existante

De la nature de l’ambition, de l’aspiration réelle, profonde vont dépendre la clarté du positionnement futur, la nature de la légitimité, et de façon plus opérationnelle le périmètre et les caractéristiques de la cible. Ces différentes formes d’ambitions vont en effet considérablement influencer le type de cibles d’entreprises à rechercher.

Par exemple, si le projet de l’entrepreneur a une dimension sociétale, il va s’intéresser à des entreprises spécifiques, ou la principale valeur peut résider d’abord et avant tout dans le capital humain, dans le cœur même du métier, dans celle des procédés et des méthodes utilisés. Ce qui sera largement différent si le projet de l’entrepreneur est d’abord et avant tout un projet purement capitalistique, avec la recherche d’une rentabilité rapide.

Un parcours à étapes

La plus grande illusion est souvent de penser que l’expérience passée de dirigeant dans une grande organisation, dans laquelle on a pu avoir des responsabilités étendues, une vraie latitude de décision, une forte délégation financière, des moyens et effets de levier importants rend la reprise d’une entreprise évidente et sans difficulté particulière. C’est ce que nous appelons le piège du « copié-collé », et celui de la toute-puissance de son statut antérieur. Il est important de positionner le projet de reprise comme un nouveau défi et comme un apprentissage pour soi-même. Un autre piège est d’avoir une approche unique, avec un seul type de regard.

Passer du management même de haut niveau à la direction de son entreprise nécessite une prise de conscience et une volonté de transformation de ses acquis et de son positionnement. La reprise d’une entreprise c’est un parcours avec des étapes. Ces étapes ont leur intérêt car elles permettent d’une certaine manière, au futur chef d’entreprise d’opérer cette transformation nécessaire.

Comme le repreneur doit profondément évoluer, la reprise d’une entreprise s’apparente à un parcours avec des étapes. Ces étapes sont nécessaires car elles permettent, d’une certaine manière, au futur chef d’entreprise d’opérer sa mutation. Nous les résumons dans le schéma ci-dessous :

Le parcours du repreneur d’entreprise.

Comprendre le profil du cédant

Enfin, il est fondamental de s’intéresser à l’histoire du vendeur, et à ses objectifs réels. Même si la valorisation de l’entreprise est très importante, certains cédants ont aussi besoin de se sentir en confiance dans la relation à l’acheteur. Un cédant qui vend, cherche aussi à transmettre un patrimoine d’entreprise, une image, une façon de travailler. Il est en général très attaché au devenir des salariés de son entreprise. Autrement dit, il cherche plus à recruter un successeur qu’à trouver un acheteur.

Il va être très attentif à comprendre les intentions de la personne qui s’intéresse à son entreprise. Il va être sensible à la ressemblance sur certains points entre lui et son successeur (valeurs, culture, métier), ou encore à la complémentarité que celui-ci peut lui apporter, notamment en termes de compétences, d’ouverture, de réseau pour le développement futur de son entreprise.

Il est donc essentiel d’aider le cédant à exprimer ses projets pour le futur, ses propres intentions et la façon dont il compte passer ce cap afin d’évaluer les bases réelles de sa décision. Il ne faut pas sous-estimer la part de deuil que le cédant devra faire de son passé et de son vécu pour et avec son entreprise, notamment dans le cas où il est prévu une présence après la cession.

La reprise c’est en effet une affaire « d’hommes » (de relations humaines d’abord), de rencontre, de « feeling » entre les individus, et surtout de confiance, même si ce n’est pas le cédant que l’on achète ! Celui-ci représente une dimension importante de l’entreprise, et il possède un somme d’expériences et de connaissances stratégiques pour le successeur. Une relation bâtie sur la transparence et le respect favorisera l’efficacité de la démarche d’ensemble. De mauvaises relations entre repreneur et cédant sont nocives pour la survie de l’entreprise et pour la transition nécessaire à la maîtrise de l’activité par le repreneur.The Conversation


Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Marie-Josée Bernard

Ma mission principale est de favoriser le développement de l’intelligence collective et relationnelle dans les organisations. C’est aussi de contribuer au développement de l’équilibre et de la santé des entreprises par le respect et le renforcement de la santé physique, morale, psychique et émotionnelle des personnes qui créent de la valeur pour ces entreprises. J’ai en particulier théorisé la dynamique de la résilience entrepreneuriale, c’est à dire l’art de transformer les blessures traumatiques en une opportunité de création de sens, de valeur à la fois symbolique, économique et sociale pour d’autres que soi-même, par le choix de l’acte d’entreprendre.

Plus d’informations sur Marie-Josée Bernard :
• Son CV en ligne
• Son profil Viadeo
• Son profil ResearchGate