Recherche d’emploi : votre état d’esprit est-il un obstacle ?

La recherche d’un emploi s’avère le plus souvent ardue, en particulier dans un contexte de changements économiques et technologiques. Mais d’autres raisons moins évidentes peuvent expliquer pourquoi certaines personnes éprouvent des difficultés à trouver un emploi. L’une d’elle tient à leurs idées trop restrictives sur les critères d’obtention d’un emploi de qualité. Ces présomptions, parfois inconscientes, peuvent les empêcher de s’engager sans réserve dans des stratégies et des opportunités de recherche d’emploi efficaces.

Les mentalités sur la plasticité humaine

La plupart des individus ont tendance à avoir des convictions, plus communément appelées mentalité ou état d’esprit, sur le niveau de plasticité de leurs capacités. Un individu à l’état d’esprit « fixe » pensera que ses capacités ne peuvent pas être modifiées de manière significative. Une personne ayant cette opinion sur ses capacités en mathématiques ou en musique par exemple, attribuera sa réussite à un talent inné et ses échecs à une faiblesse sous-jacente. En revanche, un individu doté d’un état d’esprit dit « de croissance » pensera que ses capacités sont malléables et qu’elles peuvent être développées grâce à un effort continu au fil du temps. Selon l’état d’esprit de croissance, la réussite reflète le fait d’avoir travaillé dur pour développer ses capacités, tandis que l’échec signifie qu’il faut redoubler d’efforts ou adopter de meilleures stratégies pour affiner les aptitudes requises. Cette perspective est une source d’inspiration, car elle met l’accent sur le potentiel de développement personnel et sur la motivation à y parvenir.

La plupart des gens ne sont pas conscients de leur état d’esprit ni de son impact. Pourtant, quatre décennies de recherche révèlent que ces présupposés sur la plasticité humaine ont un impact considérable sur les pensées, les sentiments et les actions des individus, en particulier face aux défis. À l’inverse d’un état d’esprit axé sur le développement, une mentalité fixe va avoir pour conséquences des sentiments tels que le découragement, le pessimisme, une inquiétude excessive entrainant l’abandon face aux difficultés initiales.

À quelques exceptions près (par exemple, Heslin et al. 2005 ou Heslin et al. 2006), la plupart de ces recherches ont été menées auprès d’enfants en âge de scolarité. Elles se sont concentrées sur les défis éducatifs auxquels ils sont confrontés dans et au-delà de la salle de classe. À la différence de ces travaux, nous avons mené des recherches sur le terrain professionnel afin d’explorer la manière dont les mentalités des adultes en âge de travailler pouvaient influencer leur approche des défis liés à la recherche d’un emploi.

Quel impact sur la recherche d’emploi ?

Pour répondre à cette question, nous avons interrogé, sur la base du volontariat, les salariés d’un cabinet de conseil en compétences industrielles financé par le gouvernement australien sur le point d’être fermé. Ces personnes savaient qu’il leur fallait d’urgence trouver un emploi ailleurs. Nous leur avons posé des questions afin d’évaluer leur état d’esprit face aux principaux défis de la recherche d’emploi : constitution d’un réseau, négociation et participation à des entretiens d’embauche. Nos entretiens ont permis d’obtenir des comptes-rendus éclairants sur leur état d’esprit concernant leurs capacités de recherche d’emploi, ainsi que sur leurs points de vue sur les défis liés à cette recherche.

L’état d’esprit fixe ou la focalisation sur « ce que je ne peux pas faire par nature »

Nos recherches montrent que les demandeurs d’emploi dotés d’un état d’esprit fixe sur ces compétences reprochent à leur personnalité présumée statique de ne pas être « le genre de personne » intrinsèquement « douée » pour ces aspects de la recherche d’emploi. Réfléchissant à son aversion pour le networking et la négociation, l’un d’entre eux déclare ainsi : « Je pense que mon introversion sera toujours un obstacle ». Les personnes à l’état d’esprit fixe décrivent généralement les différentes compétences nécessaires à la recherche d’un emploi d’une manière vague et décourageante. Ils apparaissent dépassés par ces défis avant même de les avoir expérimentés. C’est particulièrement le cas s’agissant du réseautage.

Un autre demandeur d’emploi à l’état d’esprit fixe décrit l’expérience de manière pessimiste, se sentant comme « dans une cour d’école pleine d’inconnus, attendant que quelqu’un veuille bien jouer avec mon ballon ». Cette vision réductrice et décourageante des savoir-faire liés au networking – interaction sur les plateformes de médias sociaux, suivi des courriels avec des contacts importants ou encore fourniture de ressources ou d’informations à des contacts -, peut empêcher un demandeur d’emploi d’accéder à des opportunités. L’état d’esprit fixe est associé à la notion d’étiquetage que le demandeur d’emploi s’attribue par rapport à ce qu’il considère ne pas savoir faire par nature. Par exemple, « Je ne suis pas un vendeur » ou « Je ne suis pas doué pour le réseautage ». Ces étiquettes, avec lesquelles certains demandeurs d’emploi se catégorisent de manière péjorative, les découragent probablement d’expérimenter de nouvelles tactiques de recherche d’emploi.

L’esprit de croissance ou la focalisation sur « ce que je pourrais potentiellement faire »

Lorsque les demandeurs d’emploi adoptent une attitude tournée vers la croissance en ce qui concerne leurs capacités de réseautage, de négociation ou d’entretien, ils en parlent de manière très différente. Ils expriment combien ils apprennent des autres sur leur lieu de travail, notamment en observant les managers « négocier pour obtenir ce qu’ils veulent » et en intégrant ces connaissances dans le cadre de leur propre développement. Ils présentent leur âge et leur expérience comme un atout, la preuve qu’ils peuvent relever la plupart des défis de la recherche d’emploi, plutôt que comme un obstacle. À l’instar des personnes ayant un état d’esprit fixe, ces demandeurs d’emploi s’attribuent des étiquettes mais de manière positive cette fois, en insistant sur le fait que cette capacité peut être développée. Par exemple : « Je suis en formation » ou « Il s’agit d’apprendre ».

Cette découverte fait progresser la littérature sur les mentalités, dans laquelle l’étiquetage est considéré comme l’une des principales caractéristiques d’un état d’esprit fixe. Il est intéressant de noter que les demandeurs d’emploi ayant un esprit de croissance ne se concentrent pas uniquement sur les expériences positives qui ont renforcé leur confiance en leurs capacités. Ils tirent des enseignements d’expériences négatives, comme des entretiens d’embauche précédents totalement ratés, mais qui se sont avérés déterminants pour leur réussite finale.

Comment faire évoluer son état d’esprit ?

Les demandeurs d’emploi qui se considèrent dotés d’un état d’esprit fixe par rapport à une capacité particulière de recherche d’emploi ne doivent pas pour autant se décourager.

Bien que les mentalités soient relativement stables, elles peuvent être modifiées à l’aide de techniques détaillées dans des ouvrages et des travaux de recherche qui décrivent comment transformer une mentalité fixe en une mentalité de croissance. Ces pratiques peuvent être complétées par une approche réflexive sur sa capacité à faire évoluer sa mentalité, en particulier dans les domaines où la personne aura déjà réussi à progresser. Travailler avec un conseiller en carrière ou un pair coach incite aussi à remettre en question et à transcender des croyances fixes et restrictives concernant ses capacités de recherche d’emploi.

En outre, aucun des participants à notre étude n’avait un état d’esprit fixe pour toutes les compétences liées à la recherche d’emploi. Nos travaux montrent qu’un même individu pourra par exemple avoir un état d’esprit fixe sur le networking, de croissance en ce qui concerne les entretiens et « mixte » par rapport à la négociation. Analyser les fondements d’un état d’esprit de croissance dans un domaine peut aider à adopter le même état d’esprit dans un autre. D’après nos recherches, s’étiqueter d’une manière orientée vers la croissance : « Je suis apprenti ou étudiant demandeur d’emploi », permettra d’être plus à l’aise avec l’incertitude et de construire des identités orientées vers la croissance. In fine, la personne en recherche d’emploi sera mieux armée pour relever les défis rencontrés sur son parcours professionnel, en surmonter les difficultés et saisir les opportunités d’apprentissage qui se présentent à elle.