George Clooney aurait-il du succès comme dirigeant d’entreprise ? Angelina Jolie serait-elle la meilleure au poste de présidente ? Ou peut-être Brad Pitt comme prochain PDG d’une entreprise présente dans Fortune 500 ? Cela correspondrait à l’idée couramment répandue selon laquelle plus une personne est séduisante, plus son physique est susceptible d’influer favorablement sur sa carrière professionnelle et plus elle aura de chances de réussir.

 

Une étude finlandaise est venue confirmer cette idée. Les chercheurs ont étudié des candidats politiques, hommes et femmes. Ils ont constaté que, s’agissant d’élections politiques, les gens beaux avaient l’avantage, les candidats les plus attirants obtenant de meilleurs résultats que leurs concurrents.

On pourrait en déduire que c’est également le cas pour les élections des dirigeants d’entreprise. C’est ce que mes collègues de Tilburg University, Newcastle University Business School et moi-même avons voulu vérifier.

Nous avons commencé par rassembler et examiner des données concernant 621 élections et réélections distinctes de dirigeants d’entreprise au sein de diverses sociétés britanniques entre 1996 et 2007. Pour toutes ces élections, les directeurs potentiels avaient fourni leur photo en complément de leur nom et de leur profil professionnel dans le cadre du processus électoral. Cette photo était visible par tous les électeurs.

Nous avons distribué ces photographies à un certain nombre d’évaluateurs anonymes qui devaient classer ces directeurs en fonction de diverses caractéristiques. Sur l’unique base de ces photos, nous avons demandé aux évaluateurs de leur attribuer une note de 1 à 5, pour cinq traits de caractère distincts des directeurs : beauté, compétence, fiabilité, sympathie et intelligence perçues. Ces évaluateurs anonymes ne savaient pas qui étaient les dirigeants, ne connaissaient pas les résultats des élections et ignorait même le sujet de l’étude à laquelle ils participaient.

En nous appuyant sur ces évaluations, nous avons généré un score moyen pour chacun des cinq traits de caractère inférés concernant chaque directeur. Nous avons ensuite comparé ces scores moyens au nombre d’électeurs qui s’étaient abstenus ou qui avaient voté contre le dirigeant lors des élections et réélections.

Nos résultats ont débouché sur une vision très différente de celle qui était communément admise sur l’impact de la beauté physique dans le cadre d’élections de dirigeants. Nos conclusions ont montré que l’attractivité d’un candidat n’avait pas d’effet sur sa probabilité d’être élu. En revanche, la compétence, la fiabilité, la sympathie et l’intelligence, telles que perçues d’après une simple photographie, jouaient toutes un rôle dans ces élections, influençant profondément la décision des électeurs. De fait, nous avons constaté que les directeurs les mieux notés sur ces quatre traits de caractère perçus obtenaient un nombre bien supérieur de voix en leur faveur. Une augmentation d’un seul écart-type pour ces scores équivalait à une baisse de la probabilité de votes négatifs de 26 % en moyenne.

Il est encore plus intéressant de noter que cet effet n’a été constaté que pour les candidats masculins à la fonction de dirigeant. Pour les femmes candidates, ni la beauté, ni les autres traits de caractère perçus n’ont eu d’effet sur le nombre d’électeurs qui s’étaient abstenus ou avaient voté contre. Par conséquent, dans leur cas, la physionomie n’a pas eu d’impact lors des élections d’administrateurs.

Mais alors, pour quelles raisons, dans le cadre des élections de dirigeants, la personnalité perçue interviendrait-elle pour les hommes et pas pour les femmes ? La plus probable serait que le nombre restreint de femmes présentes au niveau du conseil de direction inciterait les électeurs à ne pas voter contre elles afin d’améliorer la parité.

En résumé, nos recherches ont révélé que pour un dirigeant, l’apparence physique est tout aussi importante que ses résultats précédents dans ce type de fonction, ses études ou sa carrière professionnelle. À l’inverse, s’agissant des dirigeantes, il semble qu’en l’état actuel des choses, l’apparence physique n’ait pas d’incidence sur le nombre de voix obtenues.

 

Philipp Geiler

 

Je suis professeur en Finance d’entreprise. Avant de rejoindre emlyon business school, j’étais chercheur à l’Université de Tilburg. J’ai également été chercheur invité à l’Université d’Oxford et j’ai travaillé pour une société de conseil internationale. J’ai publié des articles dans des revues spécialisées, notamment le Journal of Corporate Finance, Corporate Governance: An International Review et le Journal of International Financial Markets, Institutions & Money, entre autres. Mes axes de recherche concernent principalement la finance d’entreprise, la gouvernance d’entreprise et la rémunération des cadres supérieurs.

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Pour approfondir…

  • Geiler P., Renneboog⁠ L. & Zhao Y. (2018). Beauty and appearance in corporate director elections. Journal of International Financial Markets, Institutions & Money, Forthcoming. DOI 10.1016/j.intfin.2018.03.004.
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